D’où venez-vous ?
J’ai grandi à Saint-Léger-du-Bois, à côté d’Autun, au pied du Morvan. Je suis venue à Chalon pour intégrer le lycée Pontus de Tyard, qui me permettait de passer le bac option musique et de poursuivre mon cursus musical au conservatoire. Je jouais de la guitare classique : c’était une véritable passion à l’époque !

Le cinéma, une passion ancienne ?
Je regardais des films mais c’est à Chalon que j’ai commencé à aller régulièrement au cinéma. A Toulouse, où j’ai suivi une prépa littéraire khâgne et hypokhâgne, j’ai découvert le cinéma art & essai. Et évidemment, j’ai beaucoup fréquenté les salles obscures lorsque j’étudiais la philosophie à la Sorbonne à Paris. Je voyais énormément de films à cette époque, mais je n’avais jamais pensé à faire du cinéma mon métier… Je me destinais à être prof de philo ! Après ma maîtrise, j’ai d’ailleurs passé l’agrégation, mais sans grande conviction… d’ailleurs, je ne l’ai pas obtenue !

Quand la production est-elle entrée dans votre vie ?
Pour payer mon loyer parisien, j’ai trouvé un emploi de baby-sitter chez un producteur, Joseph Strub. Il m’a sentie curieuse de son métier et m’a proposé de l’accompagner sur un tournage en tant que stagiaire. Il s’agissait de la captation d’un opéra de Janacek, mis en scène par Patrice Chéreau. J’assistais le régisseur, c’était très formateur… Ma vocation était née ! Adieu la philo, j’ai bifurqué sur un master professionnel de cinéma à la Sorbonne. En 2e année, j’ai réalisé un stage dans une petite société qui produisait des films d’auteurs, qui m’a par la suite embauchée en CDD. Puis j’ai intégré en CDI les Films Pelléas en tant qu’assistante de production.

Quand avez-vous décidé de voler de vos propres ailes ?
Après trois ans chez Pelléas, j’ai voulu tenter ma chance et créer ma propre société de production ! Folle Allure est née en novembre 2012. J’avais 29 ans. A l’époque j’étais parisienne mais je revenais en vacances chez mes parents. C’est comme ça que j’ai rencontré un Bourguignon fin 2013 ! La question s’est alors posée de délocaliser le siège de ma société en Bourgogne…

Aujourd’hui, Folle Allure est basée à Aluze. Vous ne regrettez pas la vie parisienne ?
Non, car il y avait vraiment une place à prendre pour moi en Bourgogne ! J’avais peur qu’on m’oublie en m’installant en province mais ça n’a pas été le cas. C’est même plutôt une force, on m’a étiquetée « productrice bourguignonne ». Par ailleurs, les films d’auteurs fonctionnent beaucoup avec l’accompagnement des collectivités, qui activent leurs programmes d’aide pour soutenir la création locale. La Région Bourgogne-Franche- Comté représente ainsi le partenaire principal de mes projets !

Quels types de films produisez-vous ?
Jusqu’ici, des documentaires, des courts et moyens métrages, à un rythme de deux à quatre films par an. Mais je suis actuellement en pleine transition, puisque je m’attaque au long métrage avec Les Truites, réalisé par Lucie Prost – déjà co- réalisatrice des Rosiers Grimpants, que Folle Allure avait produit. D’ailleurs Les Truites a été sélectionné dans le dispositif Emergence, créé par Elisabeth Depardieu. Cela devrait permettre au film de gagner en visibilité ! Mon premier film d’animation est aussi en pleine fabrication, en collaboration avec Absinte Abramovici. La réalisatrice, Myleine Guiard-Schmid, utilise pour ce film une technique qui mélange la peinture sur verre et l’image réelle pixelisée. C’est du jamais vu ! On n’a pas encore de diffuseur pour ce film, mais l’aide du CNC et de la Région nous a permis d’en lancer la fabrication. Quand il sera terminé, nous allons le proposer aux télés et aux festivals.

Change-t-on de réalité budgétaire quand on passe au long métrage ?
Absolument ! Le budget d’un court métrage tourne autour de 100 000 € tandis qu’un long métrage comme Les Truites a été budgété à 2 M€ !
Heureusement, nous avons reçu une aide du CNC et de la Région sur ce projet.

Vous avez d’autres projets en cours ?
Plein ! Le moyen métrage de Franck Guerin, Une sœur, se tournera en Vendée au printemps 2019, avec notamment la participation d’Arte et de la Maison du Film. Au printemps toujours, sera engagé dans le Jura le tournage de Mes Vacances normales, le premier film de Margot Bernard, avec la contribution du CNC et de la Région. Par ailleurs, le documentaire de Blaise Perrin, La Ronde, qui a été tourné au Japon, également avec l’aide du CNC et la Région, sera prochainement présenté au Cinémarivaux à Mâcon, d’où est originaire le réalisateur. Enfin, le documentaire de Yannick Coutheron, Yohen, l’univers dans un bol, autour du céramiste et Maître d’art clunisois Jean
Girel, est désormais disponible en DVD (commande possible sur mon site). Dans un autre registre, j’ai aussi le projet de recruter une assistante en 2019, car je ne peux raisonnablement pas être partout, d’autant que j’ai une petite fille de 2 ans.

Comment sélectionnez-vous vos projets ?
La plupart du temps, on me soumet des scénarios. De par ma formation littéraire, j’accorde beaucoup d’importance à la qualité de l’écriture. Il faut aussi que l’on m’emmène quelque part et que je sente chez la personne une forme d’urgence à réaliser ce film, que c’est vraiment quelque chose de vital pour elle ! Il m’est aussi arrivé de repérer des projets lors des commissions du CNC ou de la Région, auxquelles j’ai participé. Cela ne s’est encore jamais produit pour moi, mais un projet peut aussi naître d’une rencontre dans un festival.

En quoi consiste réellement le métier de productrice ?
Ça commence pour moi par un travail d’écriture avec l’auteur. Quand le scénario est prêt, je le propose à des partenaires (Centre National du Cinéma, collectivités territoriales, chaînes de télé). La recherche de financements est l’étape la plus longue, elle prend entre un à deux ans. Une fois que le budget est bouclé, on démarre la phase de production : trouver des décors, des comédiens, une équipe technique, déterminer les dates de tournage… Pour un court métrage, le tournage dure entre une à trois semaines. Il faut aussi trouver des diffuseurs : parfois ils s’engagent en amont du projet, parfois il faut leur montrer le produit fini pour leur donner envie de nous suivre…

Karine Dupont